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anima persa
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7 février 2007

Bon anniversaire, Monsieur le Président !

C'est une époque lointaine, qui paraîtrait irréelle aux moins de... quarante ans ? La France n'était plus cette grande puissance, lumière du monde libre, vigie de la libre pensée, de la laïcité et de la République. Depuis mai 1968, la crise pétrolière, les difficultés économiques grandissantes, le pays semblait entrer dans une phase de déclin. Mais pourtant, homme hors du temps, héritier étrange d'un Flaubert qui aurait choisi l'ENA plutôt que la littérature, Giscard croyait en son destin. Comment se percevait-il ? Quel était le fonds de sa pensée ?

Ce jeune technocrate de 48 ans était entré en politique en 1956, en même temps qu'un certain Jean-Marie Le Pen, à qui il disputait le titre du plus jeune député de France. Il a toujours été le plus jeune, partout. Double bac à 15 ans, la Croix de Guerre à 18 ans, l'école Polytechnique à 22 ans, l'ENA à 25 ans, l'inspection des Finances à 26 ans… Dans cette IVème République moribonde, qui ignorait encore que le général De Gaulle allait venir la secouer une dernière fois, la carrière politique semblait bien grise et empesée. Mais Giscard avait confiance en son destin. Avait-il ressenti le changement en cours, qui allait propulser John Kennedy, Nikita Khroutchev, Fidel Castro et bien d'autres sur les devants de la scène. C'est le moment de l'irruption de la télévision, la conquête spatiale, les télécommunications, la société de consommation, le rock and roll, l'insurrection hongroise…

La France était encore une puissance coloniale, mais pour bien peu de temps.

Que faisait-il alors, en plein tournant historique ? Jouait-il de l'accordéon, le soir au coin du feu, pour endormir ses jeunes enfants ? Travaillait-il à un projet de roman ? Il semble être resté étranger aux tendances du moment. Fils de bonne famille, traditionaliste, il s'est fait élire dans la circonscription où son arrière-grand-père fut conseiller général, puis sénateur, pendant 28 ans, à la fin du XIXème siècle. A l'Assemblée Nationale, il a remplacé son grand-père, élu sénateur depuis 1938 et député depuis 1945. Autant dire qu'il n'apportait pas un souffle révolutionnaire dans son camp. Il faisait partie de cette bonne société bourgeoise, privilégiée et loin des préoccupations modernes.

De même, sa carrière ministérielle a été marquée par un conformisme sans faille. Fidèle élève d'Antoine Pinay, il a manié la planche à billet en tant que ministre des Finances à plusieurs reprises, totalisant neuf années à ce poste. Et c'est ainsi qu'il s'est retrouvé candidat à la Présidentielle à la suite de la mort de Georges Pompidou, en avril 1974.

Soudain, cet homme gris, déjà très dégarni, a voulu incarner la modernité et le changement. Il a créé le poste de Secrétariat d'état à la condition féminine, confié à Françoise Giroud, il a fait éclater l'ORTF, divisée en TF1, Antenne 2 et France 3 pour la télévision, Simone Veil a fait voter la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, il a accéléré le programme nucléaire, il a organisé la Sécurité Sociale, étendue à l'ensemble des travailleurs, il a reçu les éboueurs à l'Elysée, s'est invité à dîner chez des Français ordinaires…

Que reste-t-il de tout cela, 25 ans après son départ de l'Elysée ?

Des images vieillies du "Petit Rapporteur", le règne de Guy Lux et des Carpentier, l'arrivée des Mac Donald en France, le son du groupe Téléphone, le TGV, le "mariage" de Coluche et Thierry Le Luron, la coiffure de Mireille Mathieu, qui n'a toujours pas changé…  

La carrière politique de Giscard est restée marquée par cet échec. Malgré le livre récent de Raymond Barre, qui retrace cette époque vue de l'intérieur, il ne reste aucune trace tangible de son passage. Bien qu'il ait tenté de créer un nouveau centre, en proclamant notamment qu'il fallait répondre aux questions et aux besoins de "deux Français sur trois", il n'est jamais revenu sur le devant de la scène. Le dernier échec de cet Européen convaincu aura été le refus du projet de Traité Constitutionnel Européen, l'an dernier.

Son dernier héritier, François Bayrou, parviendra-t-il enfin au pouvoir pour réconcilier droite et gauche, engager une politique de refondation républicaine ? Les sondages lui font crédit d'une certaine hausse de popularité, toujours très loin derrière Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. S'il réussissait, ce serait sans doute le plus beau cadeau d'anniversaire pour le seul ex-Président actuel.

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anima persa
  • Les "âmes perdues" de notre époque errent dans nos villes, nos campagnes, à la recherche d'un but, d'une lueur, d'un espoir. Perdus dans la grisaille, ils aimeraient trouver une main secourable. C'est ce que je propose de faire.
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